Lycée des Menuts à Bordeaux

Sanctuaire scolaire

Le projet prend place au cœur du quartier Sainte-Croix et organise ses espaces pédagogiques en retrait de la cité, fidèle à une idée de sanctuarisation de l’espace scolaire.

La parcelle se situe à l’angle de la rue des Douves et de la place André Meunier à proximité de l’église Sainte-Croix, du Noviciat et de l’école des Beaux-Arts. Le choix de cette implantation, outre la possibilité offerte par cette parcelle en friche, s’inscrit plus largement dans une politique conjointe de la Ville, de la Région et de la Communauté Urbaine de Bordeaux de faire revivre ce faubourg endormi en retrait des bords de Garonne.

Le projet est implanté en équerre, à l’alignement des deux rues, sa matière la plus importante tenant la place André Meunier avec un gabarit réglé sur celui du Noviciat, le reste du programme reconstituant la rue des Douves dans son gabarit d’échoppes ; l’une d’entre elles, « récalcitrante, est avalée d’un trait » par le projet. Son écriture est sobre, empruntant au lieu ses matériaux et ses tonalités, permet au projet de se glisser sans violence dans le contexte de ce quartier.

La masse bâtie protège de la rue un cœur d’îlot largement ouvert sur les parcelles voisines, dans la tradition de l’urbanisme bordelais. Dans ce cœur d’îlot hors la ville, le projet organise le dénivelé par l’étagement de deux cours, l’une haute, l’autre basse, réglées toutes deux entre les façades arrières du lycée et les héberges mitoyennes arasées et rénovées pour l’occasion, offrant au lycée le bénéfice de vues imprenables sur les édifices du quartier : flèches de Saint-Michel, Noviciat, jardin de l’Eau Vive, et sur les cèdres centenaires du jardin classé monument historique de l’école André Meunier mitoyenne.

L’entrée se cale à l’angle des deux rues, avec sa porte en tôle pleine poinçonnée d’un motif en rond, sorte de gimmick architectural en clin d’œil à Jean Prouvé et plus particulièrement à la caserne des sapeurs-pompiers construite dans les années cinquante sur l’autre rive, manifeste moderne des Bordelais Ferret-Courtois-Salier. Pause entre la ville et la structure d’enseignement, le porche s’établit sous le bâtiment dans une ombre propice. Volontairement surdimensionnées au moment du chantier, des piles en béton larges et voluptueuses supportent l’ouvrage sur deux rangs tels des veilleurs silencieux montant la garde. Nichée dans l’angle, la loge du gardien complète ce dispositif d’accueil dissuasif aux intrus.

Passé le sas d’entrée, sous la toise d’un bandeau de béton, l’espace se donne d’un coup dans le hall déployé en double hauteur dans un bain de lumière pailletée La magie du lieu réside dans l’évanescence produite par la doublure laiteuse du polycarbonate tendu en plafond et en façade, ponctuellement irisée par les halos des luminaires dissimulés dans l’épaisseur.

D’ordinaire opalescent, le matériau se pare de reflets argentés quand la paroi intérieure lasurée de noir joue les miroirs sans tain. L’architecture en appelle ici à la couture dans le touché des matières et la précision des découpes : mezzanine filante, passerelles-caissons, volée d’escalier… A la fois préau et desserte intérieure, le hall est l’axe qui innerve tout le lycée, en rend lisible la structure et en concentre l’énergie. Espace de dilatation, il s’inscrit à l’interface de deux systèmes autonomes et complémentaires: le périmètre scolaire inscrit dans l’équerre bâtie en périphérie et le cœur d’îlot articulant les ateliers spécialisés, le restaurant et les cours en relation avec l’environnement.

Lycéens et enseignants sont ainsi amenés à passer de l’un à l’autre, de l’intérieur à l’extérieur, de l’ombre à la lumière, et ce faisant, à prendre la mesure de l’ouvrage jusque dans sa profondeur dévoilée dans l’enfilade des circulations, escaliers et passerelles « griffant » la parcelle. Le lycée devient « une anti-chambre de la cité, modèle idéal élaboré à l’échelle de la communauté lycéenne ». L’expérience s’éprouve dans le parcours qui donne à lire l’organisation d’ensemble. Le lycée trouve sa liberté dans les règles d’une structure forte. En ce sens et ici, l’architecture enseigne organisation spatiale, organisation sociale et vie en société de façon indissociable*.

* Extrait d’un article de Florence Accorsi : L’empreinte n°53, 2001.

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Dates 1997-2001
Surface 4 990 m²

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Les édifices ou les villes qui nous ont émus restent encore aujourd’hui en petit nombre. Pour les évoquer simplement,
ce sont notamment – pour ceux qui me reviennent en mémoire :
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