Recherche histoire évolution adaptation mimétisme
bio-inspiration savoir-faire inscription culture savoir sciences biologie innovation expérimentation création local global milieu
symbiotique nature temps matière économie abstraction pensée émotion œuvre espace analogie maillon lecture analyse respect patrimoine
protection durable organique épiderme territoire écosystème homme fonctions vitales Darwin mémoire environnement énergies nouveau bioéthique réseaux médiateur avenir généalogie vision héritage filiation sens signes identité raconter universalité terre paysage biomimétisme fractales
durable réel holisme algorithme
symbolique métabolisme génétique modèle vivant biomorphique Dédale découverte processus caractère bionique démarche organisme outils comportement stratégies transfert passif implémentation Collaboration physiologie transversal structure philosophie…
Acte I - Histoire
Dédale, considéré comme le nomade qui peut être démonté et déplacé à n’importe quel moment comme l’exige la législation sur la protection du littoral.
Dédale — D’où venez-vous ? (entendons-nous murmurer à nos oreilles).
Voilà plus de vingt ans que Dominique et moi-même sommes installés dans un petit coin de France, loin de la scène architecturale parisienne, dans le village de Guiche, célèbre grâce au comte de Guiche – puissant sous Louis XIV, devenu personnage de Cyrano de Bergerac – et au verbe aguicher, entré dans la langue française par les frasques locales d’Henri IV.
Dédale — Vous parlez du lieu, mais dans l’histoire, comment vous y inscrivez-vous?
Acte II - Philosophie
Construire des scénographies et articuler des espaces comme le cheminement d’une lecture, d’une pièce à l’autre comme en littérature d’un chapitre à l’autre.
Dédale — Construire : vous utilisez largement ce mot, mais l’acte de construire, passer du virtuel à la matérialité, pouvez vous nous en parler ?
Nos choix constructifs acceptent la nature et s’inscrivent dans l’usure du temps et les assauts des éléments.
Acte III - Projets
Radar…
D’emblée, le mot « radar » révèle et dissimule
Ses cinq lettres se lisent dans les deux sens
de gauche à droite, de dextre à senestre
exhibition de sa nature de palindrome
Sa consonance orientale cache son étymologie
son statut d’acronyme de souche anglaise
Comme l’aigle, le radar aime les hauteurs, l’altitude, la compagnie du vent, l’absence des hommes
Itxassou, Sembadel, Bollène, Opoul-Périllos…
un carré magique de noms
toponymes aux vibrations étranges qui invitent à la rêverie
un quatuor à radars où chacun joue sa propre partition
pourtant, une harmonie d’ensemble sourd de leurs ondes
Il n’y a pas de radar sans crête, sans échancrure sommitale
Il n’y a pas de radar, d’émission, de réception d’ondes sans jeux d’échos avec le paysage
Capter, transmettre les ondes, remplir une fonction de messager implique d’être l’enfant du dieu Hermès
le descendant de Heinrich Rudolf Hertz
Des correspondances se mettent en place entre radar intérieur et radar externe
bâtir un détecteur météo exige un grand initié, un chaman aux capteurs aiguisés
Avant d’écouter les tribus d’ondes portées par les orages, les tempêtes
de se brancher sur les bruits infinitésimaux des millénaires
il faut planter un sismographe en soi
avant de recueillir le silence du temps, les vibrations du climat, de la nature
le corps de l’architecte doit se faire caisse de résonance, transducteur
Grandes sentinelles de béton visibles depuis la lune
battues par les vents
vous coiffez les pinacles, vous tenant loin des hommes
là où la terre cède au ciel
là où la montagne dissuade l’humain d’y poser pied, d’y poser demeure
Vous êtes honorés d’être appelés totems futuristes, dieux modernes
vous vous grisez des raccords
entre vos architectures inventives et les silhouettes des stupas
des cairns, des monolithes, des forteresses cathares
vous oubliez votre vocation pratique, votre destinée technique
les drapant sous un voile ésotérique, une aura magique
Lorsque les vents se dissipent, abolissant votre ivresse
vous retrouvez votre statut d’orphelin
expulsés de la confrérie des menhirs, des cromlechs
entre les stupas et vous, un gouffre se creuse
les limites de l’analogie
l’imposture de la métaphore, du rattachement familial
vous sautent à la gorge
Les yeux de Bouddha, son bol renversé
les mégalithes, les cairns
agitent la primauté de leur fonction sacrée
leur commerce avec les morts, l’au-delà
Revenu de vos généalogies glorieuses
vous contemplez votre être pragmatique
votre pouvoir technologique éclate au grand jour
carte zodiacale vierge de puissances mystiques
votre sotériologie se cogne aux murs de l’ici-bas
Une ligne de partage ferme vous relègue hors du clan des édifices spirituels
mausolées bouddhistes, autels de pierre
traduisent l’espace en rituel funéraire
tout en leur construction est au service de l’au-delà, des disparus
mû par des forces centrifuges
destiné à entrer en contact avec les esprits
Dans la solitude d’Itxassou, de Sembadel, de Bollène, d’Opoul-Périllos
vous vous regardez dans le miroir du ciel
vous êtes là pour capter des esprits en forme d’ondes
les fées, les elfes électromagnétiques vous arrivent sous la guise de signaux
de traces de cataclysmes naturels traduits en graphes, en chiffres, en calculs vertigineux
Vous êtes là pour tirer des leçons de la nature
arracher des enseignements aux caprices atmosphériques, aux embardées météorologiques
vous êtes là pour accoucher de prédictions loin de tout surnaturel
mettre l’énorme collecte de données, leur traitement mathématique au service des hommes
Votre visée est anthropologique
le territoire des vivants est votre espace
vous êtes du côté de Créon
du règne de la cité, des forces centripètes
vous rêvez souvent de passer du côté d’Antigone
de son souci des morts
vous vous inventez des Polynice à enterrer
à célébrer dans des cérémonies amphibies
où votre ventre sert de sépulture
Il est vrai qu’à aller à votre rencontre
vous nous balancez votre mutisme de divas altières dans un décor grandiose
Divinités à la fois familières et lointaines, proches et étrangères
vous vous faites hostiles et accueillantes
Itxassou, un nom basque, un paysage d’avant
de loin, une coupole d’une blancheur sidérale
mosquée sur pilotis, dôme, totem, œil géant
un bilboquet inscrit à flanc de montagne
sur une ligne qui en révèle l’axe secret
dans une assonance avec les arêtes, les failles, la grammaire géomantique du pic
Avec son dôme couturé comme un ballon de football céleste
la sphère se dresse sur des échasses
modulée en une partition de fentes verticales
elle enfante un alignement de mâts de taille croissante
vestiges de bateaux échoués
lueur de sommet enneigé
l’espace se rythme oiseaux démiurges
Des mondes enroulés se déplient
symphonie baroque du pléistocène
l’architecture-sculpture libère les virtualités de la montagne actuelle
l’émergence d’une forme révèle les forces endormies
le dispositif se tient à l’heure deleuzienne
Côté exotérique
la géométrie du radar se fond dans la géomancie du lieu qui l’accueille
côté ésotérique, mélodie en sous-sol
elle restitue au site une proto-géométrie
réveille le profil paléolithique de la montagne
cheminant sur une ligne qui rappelle l’époque où l’érosion n’avait pas encore eu lieu
Le radar est un attracteur étrange par lequel le présent retrouve le temps des origines
des pans de l’avant
À l’extrême pointe de la modernité, de ses prouesses technologiques on recontacte le jadis
de travailler sur l’espace
le radar météo opère sur Chronos, sur le royaume de la mémoire
l’effet de la création topographique ricoche sur une révolution dans la durée
agir sur l’espace, c’est agir sur le temps
descendre le long du temps des pierres et des arbres
raviver le multiséculaire, invagination des époques
Itxassou, Sembadel, Bollène, Opoul-Périllos
un carré magique de noms…
Intervention sur le site et laisser-être du paysage
l’approche occidentale de la maîtrise, de la mainmise
et l’approche orientale d’une inscription à même les flux
se côtoient, s’entremêlent
les deux mouvements s’allient sans s’abolir
l’heure deleuzienne sonne une nouvelle fois
double geste « peindre soi sur le monde »
et « peindre le monde sur soi »
Les monolithes épousent le lieu et le transforment
Versant adret, les sculptures suivent le souffle de la nature
posant ses pas dans les siens
versant ubac, elles lui impriment leurs griffes
la dévient de son génome tellurique
la délogent de son immanence engourdie
vénération et violence sont portées à leur point d’indistinction
Sphinx énigmatiques, mutiques
les radars nous assaillent de questions que leur présence soulève
Que fait l’architecture au paysage, à l’homme, aux règnes minéral, végétal, animal ?
Que produit en retour le paysage sur l’architecture ?
Insérée dans la phusis, la technè travaille, modifie l’espace
Lové dans la nature
l’artifice courtise le site qu’il respecte et violente
déploie et scarifie
double visages de la connivence et de la lutte
Le méridien de la magie ?
leur devenir croisé
le devenir paysage de la construction
la métamorphose surnaturelle de la nature
Dans ces noces
au rôle profane de l’objet
se greffent ses dimensions cosmique, ésotérique, alchimique
La ronde des ancêtres
stupas, estrans, cairns
féconde les totems cubistes
reflux pélagique, engendrement spectral
En ce ressac, sortant de leurs codex
Chac, le dieu maya de la pluie
Tlaloc, le dieu aztèque des eaux, de la foudre
reviennent vous peupler d’âmes amérindiennes
Identité transpercée, décalée, altérée…
le trans-identique foudroie l’identique
l’autre perfore le même
le règne de l’extra-minéral cohabite avec le minéral
le béton devient frère de la roche
la nature est rendue à son autre
Variété de boustrophédon
le radar palindrome communique à la terre sa signature
Gaïa glisse dans le puits de l’avant, dans le cône de l’après
le radar se lit dans les deux sens
la flèche du temps vole dans les deux directions
du passé vers l’avenir, du futur vers le jadis
Le totem dit « halte » aux randonneurs, aux poètes de l’alpinisme
dans le paysage qu’il coupe et fait fluer, il pose une stase
la violence du lieu sur lui-même se dédouble
tordue par l’avènement spontané d’êtres totémiques
fruits de soubresauts géologiques tardifs.
Itxassou, Sembadel, Bollène, Opoul-Périllos
un carré magique de noms…
un quatuor de sphères blanches séparées dans l’espace
les murmures de la Méditerranée, des étoiles, des conifères
leur composent une armure
la lune pleine verse des roses tumultueuses
sur ses quatre consœurs immobiles
verse larmes sur les météores lunaires soustraits aux révolutions célestes
la jonction de la terre et du ciel passe par nous, le peuple des radars
le chant des sphères se roule en boule aux côtés des loups et des vautours
des genévriers et des coulemelles
Les vents d’autrefois se jettent à la mer
noyade de l’alphabet cathare
dans le combat de l’équinoxe du Bien et du Mal
Du pli synclinal apôtre de l’anticléricalisme
des hérésies voraces
s’élève le palindrome du jour et de la nuit
Aquilons, zéphyrs, tourbillons, grêles, averses de neige
ne rebroussent chemin face aux sentinelles
Tout est volume
volume les grommellements des sangliers, les rêveries de la garrigue
volume les siècles qui remontent le défilé des saisons
engrossent les toponymes
nécromancie dodécaphonique
l’éperon rocheux du château du Barry
les âmes troglodytes
exhument Anne Boleyn de l’argile de Bollène
Volume la solitude qui tient son ombre en laisse
volume les grimoires volants lancés d’un rempart du château de Peyrepertuse
gagnant la forteresse de Quéribus à dos de nano-galaxies
lors du rituel annuel des citadelles cathares
Volume le « où » du lieu qui se désespace
le retard de la bise sur l’aigle
les vagues qui brisent minuit sur midi
la fonte des millénaires
Demain serre la main du paléolithique
demain chute d’une falaise de lumière
dédale de l’organique où paissent les troupeaux
Le contre-artisan a pour nom nature
il faut passer langue sur les dômes blancs
afin de voir l’érosion des alpages dans la gorge des sapins bleus
Volume les deux pentagrammes tendus au-dessus de l’abîme
le pentagramme « radar » dansant autour du pentagramme « stupa »
trois consonnes rythmées par deux voyelles sacrées
volume le poing fermé
veillant sur les molécules de vie
abritées dans une blancheur stellaire.
Radar, une saveur linguistique arabe
un ballon blanc géant détaché d’une basilique byzantine
les pulsations érotiques monogames, bigames ou polygames sous la coupe de Herr Doppler
les brouillages ennemis
les ondes qui rentrent au bercail
Radar, un organe de réminiscences
fiché à l’extrémité de l’antenne
des signaux qui font cattleya
une danse d’éléments
dans les traces du faune de Nijinski
des ébats ondulatoires, corpusculaires
placés sous le signe du bourdon et de l’orchidée
une touche baron de Charlus
un zeste de rapports ancillaires, d’inceste pharaonique
Radars, ces chevaliers du vent
aux pouvoirs oraculaires
ces aèdes, frères des bardes et des scaldes
vaticinant sous leur calotte aveugle
vivant en cathares dans des siècles étranges
portant famine de neige quand vient l’été
diamants hautains nourris à la prose de Saint-John Perse
soufflant sur les terres basques et auvergnates
sur les pays vauclusiens, opoulenques
grands médiums captant les stances du poète de Vents
C’étaient de très grands vents sur toutes faces de ce monde […]
Et le dieu refluait des grands ouvrages de l’esprit […]
Les écritures nouvelles encloses dans les grands schistes à venir […]
… De hautes pierres dans le vent occuperaient encore mon silence.
L’esseulement des radars peuple leurs songes de temples de pierre
au crépuscule les invasions nocturnes battent leur plein
à la transhumance des mégalithes de l’âge de bronze
s’allie le retour des lhapsas himalayens, des pyramides de pierres sèches
la mémoire glisse comme une urne sur des fleuves cannibales.
Radar, ras d’art, Râ dard, rat d’arrhes dare-dare
le clan des palindromes ne compte que de rares spécimens
je siège à côté de « rêver », de « kayak », d’« Ubu »
Dans ma haute solitude je récite les fleurons de notre famille
l’envoûtement circulaire du vers de Virgile,
mué en testament situationniste
In girum imus nocte et consumimur igni
l’ouroboros alchimique lâché par Scutenaire
la mère Gide digère mal
Jamais je ne convoque
le virtuose héraldique de notre confrérie
Georges Perec et sa phrase palindrome de mille deux cent quarante-sept mots
jamais je ne regarde l’hiver, les bourrasques en face
je suis la preuve vivante de la justesse du système leibnizien
je suis une monade, sans porte ni fenêtre, qui reflète le monde
je suis l’idéalisme en acte
le métaphysicien des hauteurs
jonglant avec les polyèdres primordiaux.
Itxassou, Sembadel, Bollène, Opoul-Périllos
un carré magique de noms…
les quatre yeux géants taisent le calame de l’Histoire
enfoui dans des tapis d’épines
les forêts jugent par contumace les chasseurs aux oreilles longues
les cimes couvent les cadavres des cathares persécutés
mausolées de calcaire pour les héritiers des manichéens
Quand trop de morts s’engouffrent dans les bancs de fréquences
le radar plonge son être dans la grève
les yeux des stupas émigrent vers les tours
que convulsent les prophéties
le présent fait son nid
au fond du bec d’un aigle
dans l’entre-deux du jadis et de l’avenir.
Ève Delalysse
Mai 2015
les autres
Acte IV - Nous & les autres
Une passerelle s’étire, un mur récolte ce qu’il n’a pas semé.
Nous élargissons la conception à d’autres champs disciplinaires et fonctionnons en équipe. L’équipe a une géométrie variable et appelle les compétences nécessaires selon la nature et l’importance du projet.
Elle est ainsi le lieu de l’échange, du dialogue et de l’invention collective : Elle met en musique des intentions, révèle le ou les concept(s) qui conviennent au programme et au site, invente et partage le lieu avec sa maîtrise d’ouvrage tout au long du processus de conception de façon à lui livrer un édifice qu’elle aura apprivoisé de façon progressive et investira durablement.
ensemble ?
Acte V - Créons ensemble ?
Les mots véhiculent les valeurs, les idées et les concepts souvent plus rapidement que les dessins. Ils permettent l’échange, la compréhension mutuelle, l’adhésion et l’appropriation.
L’un des architectes en charge d’un projet balise et encadre cet échange de façon à faire émerger le concept sur lequel chacun peut s’entendre et y reconnaître les valeurs auxquelles il adhère et qu’il partage. Il sert ainsi de révélateur, la gestation du projet en est ainsi facilitée.