Réhabilitation & extension du couvent des Récollets à Ciboure

MÉTAPHORES MARITIMES

« Au commencement était le ciel et la terre… mais aussi la mer ».

Le couvent des Récollets se situe au confluent du ciel, de la terre et de la mer. Il a subi les assauts des éléments, du temps qui passe et de l’histoire des hommes de la côte basque. Les enjeux de sa rénovation et de sa restructuration en espace culturel sont double : D’abord traquer en archéologues consciencieux les signes de sa transformation au cours du temps et les préserver afin de restaurer le couvent au plus prés des réalités historiques de sa construction initiale, de ses extensions et transformations subies à travers quatre siècles. Cette démarche doit être sans faiblesse dans la mesure où le couvent doit abriter le Centre d’Interprétation du Patrimoine. Ensuite, renforcer toujours davantage les liens entre Ciboure et Saint- Jean-de-Luz, mission que s’étaient donnés les moines des Récollets dés la création de la chapelle, en s’implantant en médiateurs au milieu de la nivelle et à proximité de l’activité maritime des deux communautés. Cette situation et le registre maritime qui y est attaché, au-delà de l’activité économique devenue culture avec le passage du temps, constituent un fondement patrimonial sur lequel les deux communautés peuvent se rencontrer et resserrer leurs liens.
Après nombres de changements de destination et nombre de modifications effectuées sur le couvent des Récollets, il s’agit pour nous d’intervenir une ultime fois avec le regard d’architectes du patrimoine attachés à restituer la vérité historique de l’édifice et celui d’architectes contemporains utilisant les moyens de leur temps, tournés vers l’avenir, attachés à le faire revivre et à lui donner une identité nouvelle capable de porter et de représenter sa nouvelle destination d’équipement culturel.
Notre intervention emprunte deux directions de travail : l’une est une recherche conceptuelle dans le registre maritime, l’autre perceptuelle, à même de greffer le couvent d’une extension dont l’écriture puisse le prolonger de façon naturelle et logique, sans violence et sans rupture avec le paysage de la presqu’île.

Le projet puise ses référents dans le registre maritime : boussole, compas, azimuts, alignements, orientation, repères, signal, inspirent l’extension implantée à l’angle sud-ouest du cloître ; embarcations, charpente de marine, « pétricherie », voiles, filets, sabords, voie lactée et constellations inspirent notre intervention dans la chapelle.
L’extension, située à l’angle sud-ouest du cloître se tourne et s’ouvre sur Ciboure. C’est un élément qui formellement s’apparente à une aiguille de boussole orientée sur l’exact nord-sud géographique, transparent et lumineux de nuit dans cet axe là, signalant ainsi la position de l’entrée de ce nouvel espace culturel ouvert sur le port. Son échelle respecte celle du couvent. Elle tourne côté port ses façades opaques de façon à ne pas gêner le repérage des marins ni parasiter les alignements d’entrée au port. C’est en quelque sorte un phare et un repère pour les gens de terre, piétons et automobilistes passant sur les quais de Ciboure.
Notre intervention dans la chapelle se réfère aux ex-voto en forme de navires suspendus dans la nef des deux églises de Saint-Jean-de-Luz et de Ciboure. Ce sont trois embarcations sculpturales suspendues dans l’espace de la chapelle évoquant le monde maritime et ses activités. Ces embarcations, au-delà de leur fonction symbolique ont une fonction acoustique, scénographique et technique : elles rabattent les sons vers le public assis, elles supportent tout le matériel d’éclairage et de projection commandé depuis la régie, elles assurent une fonction de lustres et celle d’appareils de chauffage. Des sabords manœuvrés par des vérins électriques permettent d’occulter les fenêtres situées en partie haute de la nef.

La confrontation, la juxtaposition ou l’extension contemporaine sur un édifice patrimonial nécessite une forte acuité sur le contexte de façon à retrouver une unité du tout après intervention. La greffe doit prendre, elle doit être naturelle et évidente, elle doit apporter ce qu’il manquait à l’édifice, en conserver son échelle, en améliorer son équilibre, en clarifier la lecture et porter sa nouvelle identité d’équipement public. L’extension proposée synthétise la complexité apparente de ces objectifs : C’est un volume simple, couvert en V, orienté et ouvert sur la ville, respectueux du gabarit de la chapelle, réglé en altitude sur l’aile ouest adossée au cloître, s’y articulant tout en s’en détachant, jouant avec les toits situés dans son environnement immédiat. Sa construction bien que plus complexe qu’il n’y parait offre une apparence traditionnelle : enduits blancs à la chaux identiques aux enduits appliqués sur l’ensemble du couvent, charpentes traditionnelles en bois et couvertures en tuiles canal. Seuls quelques éléments signent son appartenance à la modernité : usage du porte à faux, plan libre, larges pans de verre sur épines de bois, gargouille moderniste, avant-toits inexistants sur rives maçonnées.

L’accès au pôle pêche se situe côté Saint-Jean-de-Luz et se fait par un parvis en creux partagé avec les locaux du Conseil général. L’accès au Centre d’Interprétation du Patrimoine se fait côté Ciboure par un parvis en creux qui se prolonge en cours anglaise le long du quai François Turnaco. Deux entrées successives facilement identifiables depuis l’espace public permettent d’accéder au CIAP et à l’espace culturel.
Le Centre d’Interprétation du Patrimoine occupe l’aile ouest et son extension au droit du parvis. Il se développe sur deux niveaux et permet de boucler un parcours de muséographie pouvant être élargi à la visite de la chapelle et du cloître.

L’espace culturel fonctionne comme l’édifice religieux initial. Son porche, restitué côté ouest permet d’accueillir le public avant d’accéder aux manifestations culturelles organisées dans la chapelle. La chapelle peut accueillir confortablement pas loin de 300 personnes dans des configurations de spectacles musicaux, conférences et expositions tout en respectant ses qualités spatiales. Les équipements techniques et scéniques permettent toutes les adaptations. Le cloître est directement accessible au public pendant les entractes ou à l’occasion d’accueils conviviaux.
Le pôle pêche occupe les deux niveaux supérieurs de la Maison des Evêques et sont organisés selon les proximités demandées entre espaces.

La restauration du couvent s’appuie sur notre lecture et notre analyse historique de l’édifice. Elle suit ces quelques grands axes incontournables :

• Restaurer les espaces majeurs et emblématiques du couvent à savoir le cloître et sa citerne, la chapelle et son porche ainsi que les salles des fresques.
• Installer la nouvelle programmation en utilisant les percements existants, ouvrir ceux qui ont pu être murés et éviter d’en percer de nouveaux.
• Intervenir en gardant toujours possible un retour à l’état initial sans endommager l’édifice, comme notamment l’installation des abat-sons dans la chapelle à l‘aide de haubans ancrés sur les arases supérieures des murs.
• Retrouver le niveau de circulation et les sols d’origine.
• Restituer aux façades un rythme et une harmonie au plus prés de ce qu’elles pouvaient être à l’origine par bouchement de baies et restitution de menuiseries bois à meneaux et traverses.
• Rénover de façon prioritaire la structure et l’enveloppe de façon à stopper les dégradations liées aux assauts des éléments avec des procédés et matériaux traditionnels.

“Concernant la chapelle, l’objet principal de notre intervention est de conjuguer l’unité, l’organisation globale et la qualité spatiale du lieu avec les fonctionnalités particulières requises pour les différentes formes de spectacles. Mais ici nous sommes dans une chapelle. Une chapelle qui deviendrait salle de conférences, d’expositions, de musiques…

Nous avons souhaité ne pas changer son « genre » et fusionner cet objet architectural unique avec ces nouveaux usages pour composer un seul et même espace où les rencontres, les expositions, les musiques et l’architecture patrimoniale puissent faire « lieu ». Ainsi, en partant du sol, un ensemble de bancs mobiles (en appui sur deux rails parallèles) constitue à la fois les places de l’audience – lorsqu’ils sont normalement espacés – et le plateau de scène – lorsqu’ils sont assemblés et solidarisés entre eux. À la place d’un gradin rétractable relativement lourd et haut, et en contradiction avec l’espace de la chapelle, ce dispositif offre de nombreuses possibilités, tant de placements de la scène que d’organisation de la déambulation des visiteurs par la formation d’estrades successives et d’autant de socles pour des œuvres.
À l’entrée, un édicule parallélépipédique traité comme un meuble, regroupe l’espace de la régie technique en balcon et un espace de stockage pour une partie des bancs. Recomposant une sorte de narthex, il offre aux visiteurs une transition spatiale avant la découverte de l’espace de la chapelle et le travail tout particulier des « bateaux ».
Assemblage de barrots et de membrures, haubanées depuis le haut des murs, ces « barques » sont à la fois des réflecteurs acoustiques et le support de l’ensemble des dispositifs d’éclairage. Éclairage d’ensemble à travers les bordés translucides, éclairage ponctuel dans les espaces des mailles, éclairage scénique et muséographique implanté sur les éléments obliques des membrures. Comme de grands lustres, ces éléments sont aussi porteurs des équipements de diffusion sonores et d’images.
Le dessin particulier et les fonctionnalités spécifiques de ces objets liés à leur contexte permettent de composer pour chaque exposition, conférence, concert, spectacle une topographie différente de la chapelle. Un véritable espace de diffusion et de déambulation, de rencontre avec les œuvres, et de nouveau de recueillement, une chapelle toujours…”*

* extrait de Portua – histoire de Saint-Jean-de-Luz et de Ciboure – Essai sur une genèse
** Texte de Pierre Jaubert de Beaujeu, scénographe

Lire plus
Date 2014
Surface 1 637 m²

Dédale — Quels édifices ont pu vous émouvoir ?

Les édifices ou les villes qui nous ont émus restent encore aujourd’hui en petit nombre. Pour les évoquer simplement,
ce sont notamment – pour ceux qui me reviennent en mémoire :
la Bibliothèque des livres anciens à Yale, la Chapelle
de Ronchamp, l’Église de Piétilä à Helsinki.